by L Verrand · 2004 · Cited by 16 — FORTIFICATIONS MILITAIRES DE MARTINIQUE,. 1635 – 1845. Laurence Verrand. Association pour les Fouilles Archéologiques Nationales (AFAN). 7, rue de Madrid.
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Journal of Caribbean Archaeology Copyright 2004 ISSN 1524-4776 Journal of Caribbean Archaeology, Special Publication #1, 2004 11 FORTIFICATIONS MILITAIRES DE MARTINIQUE, 1635 Œ 1845 Laurence Verrand Association pour les Fouilles Archéologiques Nationales (AFAN) 7, rue de Madrid 75008 Paris, France lo.verrand@free.fr Symbole de possession et d’établi ssement, la batterie militaire, dans son rôle constructif de la colonisation française, a donné au littoral martiniquais un appareil défensif important. Inscrite dans le programme de l’élaboration de la Cart e Archéologique de la France, dans une double perspective d’inventaire et de lo calisation, l™étude des archives du Dépôt des Fortifications et des Colonies a permis de reconstituer l™installation de ce dispositif depuis le temps des premiers colons jusqu’au milieu du XIXè siècle. L™utilisation du milieu naturel et la maîtrise progressive de l™espace, relatives aux moyens humains, financ iers et techniques, ont peu à peu formé ce paysage face à une adversité changeante, du corsa ire à la nation concurrente. Avec 180 sites répertoriés, la cartographie obtenue montre ainsi les systèmes d™organisation successifs – depuis la défense de l’habitation, puis du bourg, jusqu™à l’ ensemble du territoire -, réalités lisibles dans les jeux de dispersion et de concentration du dispositif défensif. ________________________________________________ Avec 1100 km2 de superficie, la Martinique occupe une position centrale dans l’arc oriental des Petites Antilles. Sa morphologie géographique caractérisée par un relief contrasté et un réseau hydrographique important ne la distingue pas tant des îles voisines, si ce n’est la configuration de se s côtes. Car outre l’assise commerciale et économique précocement réussie au XVIIè siècle, c’est bien son excellent por t naturel, la baie actuelle de Fort-de-France, qui détermina le choix de cette co lonie comme pivot de la défense française dans l’arc antillais. De fait, la Martinique fut le champ d’un investissement militaire important, inscrit sur le territoire en une multitude de fortifications. L’étude des fortifications militaires de la Martinique a été initiée en 1992 dans le cadre de l™élaboration de la Cart e Archéologique de la France. Ce travail de recensement a été mené dans le double objectif d’ établir un inventaire cartographié du bâti militair e et de connaître la séquence chronologique de ces sites. A ce jour, les vestiges militaires ont été l™objet de peu d™interventions sur le terrain. Aussi, les données actuelles de la carte archéologique des fortifications de la Martinique découlent essentiellement des

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Fortifications Militaires Verrand Journal of Caribbean Archaeology, Special Publication #1, 2004 12 Figure 1. Carte des communes de la Martinique études d’archives. Cet inventaire constitue une base de données en amont des prospections et des fouilles à venir. Au total, cent quatre- vingt sites ont été recensés pour les deux premiers siècles de la période coloniale (1635-1845). Cet ensemble a permis de mettre en évidence l™évolution de la géographie défensive de la Martinique. Quatre cartes synthétiques découpent cette évolution en phases successives à peu près équivalentes en durée. Ces phases révèlent une maîtrise progressive de l™espace, par la détermination des points stratégiques, l™utilisation des défenses naturelles et le renforcement des

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Fortifications Militaires Verrand Journal of Caribbean Archaeology, Special Publication #1, 2004 13 points faibles. La c onstruction de cette défense répond à des besoins différents, en fonction des caractéristi ques et de l™évolution de l™armement adve rse. Elle fluctue également au gré des moyens techniques, financiers, économiques et sociaux. Enfin, les conflits, les conditions climatiques, voire les catastrophes naturelles sont des facteurs qui nécessitent un renouve llement fréquent des postes dégradés. Les points investis furent donc régulièrement créés, repris, déplacés et abandonnés en fonction d’événements et de priorités variables. Prospective documentaire Définition thématique et champ d™investigation En considérant le conflit armé comme une réalité ou une menace régulières, la fortification militaire répond au besoin de dissuader ou de se protéger d™un agresseur. Elle se met en place dè s la prise de possession française, en 1635, à la Martinique. On reconnaît comme fortific ations militaires, tout ensemble ou complexe défensif bâti – en terre, en bois, ou maçonné – comportant des redoutes, des batteries et des forts. Par ensemble défensif, encore faut-il entendre ici, les fortifications et les bâtiments qui en dépendent directement, dans une unité de lieu. Les bâtiments militaires isolés à vocation de logement, magasin à poudre et entrepôts divers, éventuellement situés dans le tissu urbain, mais hors des complexes défensifs, ont été écartés. Ils ne sont pas représentés dans la carte des indices de sites. La priorité étant donnée à la localisation sur l™ensemble du territoire martiniquais, s™agissant de retrouver la trace de toute fortification ayant existé, il a été procédé au relevé systématique de s indices de sites pour toute l’île. Ont été retenues, toutes les informations permettant de localiser les fortifications entre 1635 et 1845. Par suite, l™ensemble de ces informations révèle leur création jusqu™à leur abandon et permet de fournir la séquence chronologique de chacune d™elle. Ce recensement a été réalisé principalement dans le fonds consacré aux affaires militaires de la Martinique: le Dépôt des Fortifications des Colonies (DFC) 1 Lettres, mémoires, rapports d’inspection, environ deux cents pièces d’archives porteuses d™indices significatifs dont quatre-vingt cartes et plans, sont à l’origine de cette reconstitution. Les auteurs de ces documents étaient des administrateurs, des militaires et des ingénieurs en poste à la Martinique ou à Versailles. Dans les textes, le dispositif défensif n’est pas toujours l™objet d™un inventaire complet des fortifications existantes sur le sol, qu’elles soient actives ou abandonnées. De manière générale, on mentionne les fortifications actives. De façon plus restrictive, certains documents s™intéressent uniquement aux fortifications qui sont l™objet de travaux ou de projets de travaux. Le nom de la batterie, ainsi que sa position, les bâtiments dépendants et l’artillerie dont elle est équipée sont plus souvent donnés par les rapports d’inspection. Ces rapports fournissent encore des informations sur l’état de la fortification et les travaux envisagés ou en cours de réalisation. Les cartes représentent le plus souvent l’île dans son ensemble. Les cartes régionales sont plus rares mais plus riches dans leur détail. Il est rare que les noms des batteries de

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Fortifications Militaires Verrand Journal of Caribbean Archaeology, Special Publication #1, 2004 14 côtes apparaissent sur les cartes. Les fortifications sont symbolisées. A l™encre noire ou rouge, une redoute sera schématisée par un carré, un redan par un angle droit, une demi-lune par un arc de cercle, etc. et parfois accompagnées de la mention «batterie». Aussi, le plan détaillé d™une fortification, renseigne sur la composition architecturale et permet aussi de dater un état quand il y a reprises sur un même site. On effectue alors les corrélations à partir: • d’une situation géographique et topographique; • de la composition architecturale (présence ou absence et nature des bâtiments dépendants); • du plan proprement dit, ou du symbole le symbole est schématique. Des cartes et plans aux textes, l™ensemble de ces documents permet des corrélations et des analyses assez fines. On arrive à déterminer, le cas échéant, plusieurs localisations topographi ques proches, mais distinctes et successives dans le temps, pour un même nom de batterie. Au plan de l’occupation du sol, on a alors plusieurs sites. En effet, les étapes architecturales d™une batterie ne se superposent pas qu™en verticalité. Les décisions militaires s™attachent à améliorer le point de défense. L™avancée technique et le renouv eau de l™artillerie y participent ; les données du terrain, également. Stratégiqueme nt, le poste reste le même; son nom est maintenu. A l’inverse, on peut s’apercevoir qu’un nom change pour une même localisation, donc ici pour un même site. Ceci est valable pour les batteries mais aussi pour la toponymie en général. Dans la majeure partie des cas le repositionnement de tous ces points sur les cartes IGN actuelles 2 voisine une approximation de 500 ou 800 mètres environ. La géographie très contrastée du littoral ainsi que le réseau hydrographique aide beaucoup à cette précision. Bilan historique global Dans sa chronologie, une fortification commence d’abord par être un point de fortification, c’est-à-di re un poste de défense non bâti mais muni d’un ou deux canons. La batterie préexiste depuis qu™elle est l™objet de discussions, de projets de construction, ou de modifications de projets, avant l™exécution des travaux. A partir de la première construction, on peut suivre, selon les cas: • son entretien, • sa destruction, • sa réfection, • une reconstruction modifiant le tracé, • une relocalisation, c’est-à-dire une reconstruction sur un emplacement proche de l™ancien, • les abandons, enfin, temporaire ou définitif. Par analyses, amoncellements et corrélations, on obtient un total de cent quatre-vingt emplacements de sites de défense, tous localisés, pour la période allant du début de la colonisation aux années 1840. Parmi toutes les fortif ications, on dénombre 6 forts et fortins: • Fort Saint Pierre , construit dès 1635 • Fort Royal (puis Saint Louis), dès 1638 • Fort Trinité, 1713 (le premier sur la façade atlantique) • Fort Marin, 1746 • Fort Ilet Ramiers (simple batterie vers 1728 jusqu’au projet de fortification en 1746)

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Fortifications Militaires Verrand Journal of Caribbean Archaeology, Special Publication #1, 2004 15 • Fort Bourbon (puis Convention, puis Desaix), 1768-1772 • L™édification du fort Tartenson est postérieure: 1867-1873 Sur cent quatre-vingt sites, vingt-huit sont d™une courte durée, inférieure à dix ans. A l™autre extrême, cinq postes fortifiés perdurent plus de cent cinquante ans. La durée moyenne est de cinquante-cinq ans. Pour exemple, la batterie de la rivièr e Capot (commune de Basse-Pointe) est en service de 1728, au moins, à 1788; soit une durée de soixante ans. En 1728, la batterie de rivière Capot défend «une demie lieue de coste et assure l™embarquadaire d™un nombre de riches habitans»3. Emportée par une crue, elle se trouve alors « ruinée totalement ». On projette de la reconstruire à tr ois cents ou quatre cents pas de là. Un rappor t de 1746 précise que cette batterie « vient d™être faite [mais] la plate forme ne peut par servir, ayant le talus . Figure 2. Carte des fortifications recensées pour la période 1635-1699

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Fortifications Militaires Verrand Journal of Caribbean Archaeology, Special Publication #1, 2004 16 totalement renversé »4. Cette réfection a-t-elle été suivie d™une nouvelle reconstruction? On sait pour le moins qu™elle continue d™être active. Elle est portée sur trois cartes successives en 17585, en 1770 6 et en 17857. Finalement, en 1788, la batterie de la Rivière Capot est jugée « à supprimer ne protégeant qu™un Embarcadaire particulier »8. Enfin, la répartition géographique est littorale pour 75% des fortifications . Seulement 43 sites sont implantés à plus de 500m. de la mer. Répartition géographique des fortifications militaires Fortifications en service de 1635 à 1700 La carte des fortifications du XVIIè s. couvre une période de 75 ans. Les colons menés par Belain d™Esna mbuc prennent pied sur la rade de Saint-Pierre en 1635. Les premiers habitants s™installent sur la Basse- Terre, soit le versant oc cidental de l™île. La partie orientale de l™ île, appelée Capesterre, reste habitée par les Amérindiens jusqu™en 1658.9 Au cours du premier siècle de la colonie, on a d’abord une localisation de poste avec une artillerie simple (un ou deux canons). A cette époque, la défense est surtout individuelle et vise à protéger l™habitation et les produits cultivés pour le commerce (le “pétun” ou tabac, tout d™abord, puis le sucre). Elle ne répond pas te llement aux menaces étrangères hollandaise ou anglaise mais plutôt aux initiatives des corsaires ainsi qu™aux raids des Amérindiens. Sur un poste armé apparaît ensuite une batterie. La carte du XVIIè s. rend compte uniquement des points de défense bâtis. Huit fortifications bâties sont recensées. C™est la rade de Saint-Pierre qui est investie tout d™abord, avec son fort au centre. Il est implanté juste en arrière du rivage, à basse altitude. La défense est rapidement renforcée par plusieurs fortifications de part et d™autres de la rade. Celles de l™habitation des Jésuites sont projetées dès 1677. On creuse en premier lieu des retranchements sur les hauteurs ; puis une première batterie s imple ou redan (angle saillant). Au sud, les batteries St Charles et Ste Marthe ne sont que de simples redoutes de terre en 1677. 10 La batterie St Charles est retracée est rebâtie en maçonnerie dans la dernière décennie du siècle. La batterie Ste Marthe (localisée un peu au-dessus, sur le morne) sera rebâtie avant 1711. 11 Fermant la rade au nord, la batterie St Louis est projetée en 1685 à l™embouchure de la rivière des Jésuites (aujourd™hui, rivière des Pères). 12 Plus au sud, le Cul de Sac Royal (actuelle baie de Fort-de-France) présente un excellent port naturel, plus abrité que la rade de Saint-Pierre. Il est d’ailleurs d™usage de mettre les navires à l™abri au carénage du Cul de Sac Royal pendant la saison cyclonique. Une presqu’île naturelle qui constitue une avancée entre deux mouillages est investie dans les toutes premières années de la colonie. C™est là qu™est établi, en 1638, le fort Royal (aujourd’hui, fort Saint Louis). Le terme de fort est avant tout politique, il recouvre en réalité un double rang de palissade muni de quelques canons durant près de quarante ans. Par ordonnance du gouverneur de Baas en 1669, la fondation d’une ville est décidée sur les plaines alentour. 13 On commence à construire le fort en maçonnerie vers 1676, répondant ainsi au vœu du roi de faire de ce lieu le point stratégique le plus importa nt de la Caraïbe. On s’installe à la Trinité vers 1660. Le sud de l’île, des Anses-d’Arlets jusqu’au Marin, n’est habité que dans les années 1670 Œ et le Robert vers 1690. Enfin, en 1692, le

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Fortifications Militaires Verrand Journal of Caribbean Archaeology, Special Publication #1, 2004 18 gouvernement de Saint-Pierre est transféré dans la ville en construction de Fort-Royal (aujourd’hui, Fort-de-France). C’est dans le dernier quart du XVIIè s., vraisemblablement, qu’apparaissent, dans ces anses ou sur leurs pointes, les premières redoutes ou les premières batteries, conçues le plus souvent en terre gazonnée. Elles seront reprises en maçonnerie dès que leur position stratégique sera reconnue. On aura dès lors le souci de les maintenir et de les bâtir pour la collectivité et non plus seulement pour la protection de quelques habitants riches ou importants. Figure 5. Carte des fortifications recensées pour la période 1700-1749

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Fortifications Militaires Verrand Journal of Caribbean Archaeology, Special Publication #1, 2004 19 On sait par exemple qu’en 1693, les compagnies du quartier de Case-Pilote délibèrent sur l’organi sation financière pour construire une batterie dans ce bourg. 14 Pour réaliser cette batterie d’après le plan et le devis de Caïlus, ingénieur du Roi, le coût est de 48000 livres de sucre. Il est convenu que cette somme soit prélevée sur les revenus des habitants, à proportion du nombre d™esclaves qu’ils possèdent, sur le fonds des payants droits.15 En 1700, la colonie compte près de 21600 individus16 dont 14500 esclaves. Fortifications en service de 1700 à 1749 Entre 1700 et 1750, cinquante-neuf nouvelles batteries sont recensées. Les positions antérieures sont confirmées. Un dispositif important défend Saint-Pierre. Il répond à la configuratio n géographique de la rade, trop largement ouv erte sur la mer pour empêcher les descentes. Ce qui est protégé ici, ce sont les intérêts commerciaux et économiques qui restent très importants dans cette région de l’île même après le rattachement officiel du gouvernement à Fort- Royal. On dénombre neuf batteries et redoutes sur la rade. De cette é poque, datent aussi les batteries intérieures du Réduit. Localisé en arrière de Saint-Pierre , implanté dans les mornes, le Réduit constitue un refuge fortifié pour servir aux retra ites en cas d’invasion. Plus largement, le littoral est défendu en continu depuis les anses du nord (Couleuvre) jusqu™à Fond Capot. De manière générale, le dispositif se développe tout autour de l’île. En vingt ans, depuis le début du XVIIIè s., la population a doublé et l’on compte 45600 habitants. La défense du territoire est politiquement indispensable au maintien de la colonie. En 1726, les forces armées de la Martinique comptent quatre régiments d’infanterie et cavalerie – soit 4051 hommes d’armes. 17 A cette même date, on recense une centaine de canons dans toute l™île dont plus de la moitié à Saint-Pierre. Mais entre 1703 et 1739, l™équipement généra l passe de 76 à 277 canons pour toute l’île. En 1753, la population aura atteint le chiffre de 77500 individus. Assurant une défense contre la mer, l’implantation des fortifications est côtière. Les batteries établies sur les anses ou leurs pointes assurent la protection de chaque quartier. Cette implant ation se concentre toujours sur les points de déchargement des sucres ou autres produits. Ce dispositif apporte ainsi des ga ranties contre les descentes des corsaires encore souvent rapportées comme venant de la Dominique. Vols d™esclaves, de canots voire de bétail, sont pratiquées. Ce sont des milices qui localement, faute de secours rapide par voie de terre depuis Saint-Pierre ou Fort-Royal, gardent des incursions ennemies, des lieux encore isolés, comme Grenade ou Simon. Le dispositif des fortifications s’associe aussi à l’environnement terrestre ou aux abords maritimes. Certains points ne sont pas équipés mais participent de l’ensemble défensif. Bon nombre de rapports rappellent en effet quel rôle im portant jouaient les «cayes» (récifs), les bois, les reliefs escarpés, les marais, les côtes plantées de cactus ou d™arbres toxiques (tel le mancenillier) dans la défense naturelle de l’île. Sur la côte sous le vent, par exemple, tout le littoral n™est pas équipé. Les points où la descente est impossible restent libres: C™est le cas des falaises du côté de la commune actuelle de Bellefontaine (entre Case-Pilote et Fond

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Fortifications Militaires Verrand Journal of Caribbean Archaeology, Special Publication #1, 2004 20 Capot). C™est également le cas du port naturel qu™est la baie de Fort-R oyal où les marais, la mangrove, qu’on disait à l’époque “pays noyé”, interdit toute progression terrestre rapide. Si la défense du territoire est politiquement indispensable au maintien de la colonie, elle est aussi l™instrument de sa construction par la logistique et les superstructures qu™elle apporte. Or, de la même manière qu’on u tilise l’environnement naturel, on contrôle le développement de l’équipement. Des inve stissements importants vont à la construction des batteries militaires plutôt qu’aux voies de communications terrestres. En effet, si les “chemins” ou les routes sont étroits et peu développées, c’est encore pour empêcher le s ennemis de pénétrer dans les terres avec une artillerie puissante mais encombrante. Aussi les communications se font-elles essentielle ment par voie de mer. A telle enseigne, l’ organisation de la circulation maritime comprenait un service de taxi-canots, tenu par les noirs libres, en 1710.18 Sur la côte atlantique , la forme de défense est composite : le bourg de la Trinité est le premier port atlantique défendu par un fort, en 1713. Mais on s’appuie aussi sur la difficulté de naviguer et d™accoster dans cette région, à cause des récifs. Et de fa it, sur cette partie de la côte au vent, l™artillerie distribuée est plus faible, en nombre comme en calibre. Les autres points fortifiés correspondent aux quartiers importants et aux principaux bourgs. Au Marin, on construit un fortin en 1746. En définitive, tout le pourtour de l™île est protégé selon une hiérarchie va riable qui est fonction de la concentration de l™habitat, des intérêts économiques et des atout s naturels de la géographie. Fortifications en service de 1750 à 1802 Entre 1750 et 1802 les incursions anglaises se multiplient. La Martinique connaît trois incursions de courte durée en 1759, 1762-1763 et 1792 – et une occupation plus longue de 1794 à 1802. Les batteries nécessitent un entre tien renouvelé. Presque toutes les anciennes fortifications sont confirmées, puisque seulement cinq d™entre elles sont supprimées. Et l’on voit se créer de plus quatre-vingt onze fortifications. Elles sont établies pour près de la moitié, dans la région de Fort-Royal, à savoir vingt-quatre à Fort-Royal et vingt à Case-Navire (Schoelcher, aujourd™hui). Seulement cinq batteries nouvelles sont ét ablies à Saint-Pierre. Il est remarquable d™observer, en 1759 par exemple, comment François Beauharnais de Beaumont, gouverneur des Iles du Vent, réagit après l™attaque du mo is de janvier. Son rapport du mois de décembre fait état de toutes les redoutes et batteries qu™il a fait renforcer ou établir dans la région de Rort- Royal. Au total, une quinzaine de batteries nouvelles, placées sur le littoral et dans les terres, datent de cette année-là. 19 En matière d™archives graphiques, cette période est particulière ment bien documentée par la carte de Moreau du Temple 20 et par le Routier de la Martinique.21 La première a fourni quarante indices de fortifications; la seconde, soixante-huit. D™autres cartes régionales détaillées enrichissent le recensement. Aussi la reconstitution, pour cette période, approche d™autant mieux la réalité du dispositif défensif d™alors. A Saint-

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Fortifications Militaires Verrand Journal of Caribbean Archaeology, Special Publication #1, 2004 21 Pierre, des mésententes politiques gèlent l™exécution des travaux. Depuis le rattachement du gouvernement à la ville de Fort-Royal, les deux pôles de l™île sont en concurrence.. En tant que pôle économique important et en tant que région stratégique privilégiée, Fort-Royal est particulièrement ciblé par les Britanniques. Les batteries établies ou renforcées par François Beauharnais de Beaumont en 1759 sont implantées sur le littoral et dans les terres. Elles sont entretenues jusqu’à la période révolutionnaire. C’est à cette époque que l’on construit le premier fort intérieur à la Martinique, suivant le s concepts de Vauban. Décidé en 1763 après le départ des Anglais, sa construction est commencée en 1768. Implanté sur le morne Garnier, le fort Bourbon (aujourd’hui, fort Desaix) domine le Cul de Sac Royal à 150 mètres d’altitude, à deux kilomètres à vol d’oiseau de la mer. Figure 6. Carte des fortifications recensées pour la période 1750-1802

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